" L'imagination est l'aiguillon des plaisirs ; dans ceux de cette espèce, elle règle tout, elle est le mobile de tout ; or, n'est-ce pas par elle que l'on jouit ? N'est-ce pas d'elle que viennent les voluptés les plus piquantes ? (Mais) l'imagination ne nous sert que quand notre esprit est absolument dégagé de préjugés : un seul suffit à la refroidir. Cette capricieuse portion de notre esprit est le libertinage que rien ne peut contenir ; son plus grand triomphe, ses délices les plus éminents consistent à briser tous les freins qu'on lui oppose ; elle est ennemie de la règle, idolâtre du désordre. " (1)
C'est ce que l'on pourrait appeler une rencontre de
premier ordre, rencontre entre deux écrivains, Donatien Alphonse François, marquis de Sade et Noëlle Châtelet, d'un château l'autre pourrions-nous dire, d'un roman l'autre ; le marquis n'a plus qu'un an à vivre, nous sommes le 2 décembre 1813, il n'aura jamais revu son château de La Coste, que des mains sales, avides de vengeance mettront à terre, et que d'autres transformeront en scène culturelle des plus obscènes - qui douterait que ne ce soit là que l'obscénité se tienne - ni Avignon, ni Carpentras, ni Saumane, ni Mazan ; Noëlle Châtelet fréquente ses romans et ses lettres depuis des années, elle le connaît de réputation, mais pense qu'il faut le voir, non pour le croire, mais pour poursuivre ce dialogue furtif et foisonnant, et le dialogue a lieu, la rencontre de premier ordre, lumineuse, tempétueuse, éblouissante, non qu'il faille rétablir, pense-t-il, quelques vérités sur le marquis de Sade - il suffit de lire sa correspondance - , mais à nouveau l'entendre - pour de bon cette fois -, Sade Vivant et Châtelet brillante et piquante. L'automne libyen brûlera-t-il, lui aussi le marquis ? La charia est un bûcher que ne désavoueraient pas ceux qui l'ont embastillé.
" N. C. -
Le plaisir est donc " énergie " ? M. de S. - Examinez un homme vraiment libertin : vous le verrez toujours occupé ou de ce qu'il a fait, ou de ce qu'il projette de faire. Dans une parfaite insouciance sur tout ce qui ne tient pas à ses plaisirs, vous le verrez pensif, concentré dans lui-même, et comme s'il craignait de donner accès à un mouvement qui pût le distraire une minute des libidineuses idées qui l'enflamment ; on dirait qu'une fois enchaîné au culte de ce dieu, il lui devient absolument impossible d'être ému par quoi que ce puisse être et que rien n'est capable de distraire son âme de la délicieuse passion qui la captive. " (1)
" Foutez ! Vous êtes nées pour foutre !... C'est pour être foutues que vous a créées la Nature ! Laissez crier les sots, les bégueules et les hypocrites. " (1)
Les sots, les bégueules et les hypocrites n'ont peut-être jamais fait autant de bruit, glissons-nous pour les oublier dans les phrases du marquis.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Entretien avec le marquis de Sade / Noëlle Châtelet / Plon / 2011
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